Deux ans après la révision de la loi, les ventes de tabac se maintiennent malgré tout

Si l’un des buts recherchés par la révision de la loi sur le tabac en 2015 était de diminuer le tabagisme, on ne peut pas dire que deux ans après, ce soit un grand succès à ce chapitre.

En effet, alors que cette semaine marque le second anniversaire de l’adoption du projet de loi 44, les plus récentes statistiques du ministère des Finances contenues dans le rapport des Comptes publics 2016-2017 dévoilé ce mois-ci confirment que les revenus de taxes sur le tabac sont demeurés stables au cours de la dernière année.

Malgré l’interdiction du menthol et des saveurs ainsi que celle de fumer sur les terrasses, dans les parcs et autres, les ventes de tabac sont demeurées très stables deux ans après la mise en vigueur de ces mesures comme le démontre les rentrées de taxes ci-haut qui sont proportionnelles aux ventes. Note : les colonnes en orange représentent des années où la taxe sur le tabac a été augmentée.

Bien que l’année 2017 soit la première année complète sous le régime de la nouvelle loi révisée, les ventes n’ont baissé que de 3,5 %, soit 38 millions $, par rapport à l’année précédente, et d’à peine 2,2 %, soit 24 millions, par rapport à 2015.

Si on compare les revenus de taxes au volume des ventes de cigarettes au Québec rapporté par le gouvernement fédéral (colonne de droite), on constate que la hausse des volumes semble bel et bien terminée mais qu’il n’y a pas de fortes baisses non plus étant donné la stabilité des revenus.

Par ailleurs, rien ne permet d’attribuer cette baisse minime des ventes du tabac légal aux nouvelles mesures de la loi : elles peuvent tout aussi bien relever d’une hausse de la contrebande.

Il est plus facile d’apprécier l’évolution du marché quand on superpose l’offre légale et illégale de tabac. Ainsi, en supposant que le marché total pourrait générer 1 200 millions $ de revenus de taxes par année au Québec (si on se fie au gouvernement selon lequel la contrebande serait à environ 15 %), on voit bien que les mouvements de hausses du tabac légal reposent d’abord et avant tout sur la répression ou non du tabac illégal et non pas sur une variation hypothétique de la demande en général.

Il y a lieu de craindre en effet que la contrebande soit le principal coupable de la baisse minime récente des ventes légales, et non la réduction du tabagisme.

En effet, juste ces dernières semaines, une série d’arrestations et de saisies spectaculaires sont venues rappeler la résilience du marché illicite :

  • 23 nov 2017 : Plus de 2 750 kilos de tabac de contrebande saisis dans la région (source : Journal St-François);
  • 22 nov. 2017 : Saisie de 98 400 cigarettes de contrebande à La Baie (source : Le Quotidien, p. 15);
  • 13 nov. 2017 : Deux jeunes de Les Cèdres arrêtés pour contrebande de tabac (source : Néomédia);
  • 8 nov. 2017 : Contraventions de 850 000 $ pour sept contrevenants (source : Revenu Québec);
  • 2 nov. 2017 : Deux Québécois arrêtés en Ontario avec 65 sacs à ordures renfermant 1161 kg de tabac haché de contrebande (source : Journal de Montréal)

En fait, il y a tout simplement trop de nouvelles du genre pour les rapporter toutes ici, et ce, partout à travers le Québec.

Une telle persistance n’est pas du tout surprenante dans la mesure où une cartouche de tabac de contrebande coûte maintenant dix fois moins cher qu’une cartouche de tabac légal (10 $ vs 100 $).

De sorte que, comme l’industrie se tue à le répéter au gouvernement depuis des années, il est prioritaire de s’attaquer d’abord et avant tout à la contrebande de tabac et ce, en commençant par mettre fin à la vente massive aux non-autochtones de tabac sans taxe dans les réserves de Kahnawake et Kanesetake, là où tous les contrebandiers du dimanche viennent s’approvisionner en caisses de 50 cartouches à 400 $ pièce  (une caisse = 10 000 cigarettes) pour les revendre ensuite dans leur région d’origine et à trois fois le prix.

Cela ferait non seulement grimper les revenus de taxe mais, au demeurant, permettrait aussi diminuer le tabagisme aussi en forçant tout le monde à payer le prix excessif qui est exigé actuellement et qui maintient en vie le marché noir.

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