EXCLUSIF : En plus de Longueuil, huit autres villes peuvent émettre des amendes reliées au tabac

Le mois dernier, DepQuébec rapportait qu’à Longueuil, c’est la police elle-même qui inspecte désormais les dépanneurs pour vérifier s’ils sont conformes à la loi sur le tabac et sur l’alcool (voir article ici).

Nous faisions alors état d’un dépanneur surpris de voir un vrai policier procéder à une inspection de son magasin et surpris aussi de recevoir, deux semaines plus tard, une contravention pour manquement à la loi sur le tabac émise non pas par le MSSS (ministère de la Santé et des Services sociaux) comme c’est le cas habituellement, mais bien par la ville de Longueuil et sa cour municipale.

Conclusion: ce n’est donc plus seulement la trentaine d’inspecteurs du MSSS qui font appliquer la loi sur le tabac, mais bel et bien les villes qui se mettent de la partie. Cela fait drôlement grossir le contingent d’inspecteurs!

Mais si Longueuil le fait, combien d’autres municipalités le font aussi? Pour le savoir, DepQuébec a déposé récemment une demande d’accès à l’information au MSSS.

La réponse? Neuf municipalités en tout, qui desservent une population de 380 000 citoyens. Les voici:

  • Longueuil (pop: 247 000);
  • Granby (pop: 68 000);
  • L’Assomption (pop: 23 000);
  • Sorel-Tracy (pop: 35 000) et ses cinq municipalités avoisinantes, soient :
  • Saint-Robert (pop: 1 800);
  • Saint-Joseph-de-Sorel (pop: 1 600);
  • Saint-David (pop: 850);
  • Saint-Aimé (pop: 500) et
  • Saint-Gérard-Majella (pop: 300).
Bonjour Monsieur l’inspecteur municipal!

Si vous exploitez un dépanneur dans l’une de ces municipalités, cela signifie qu’un policier ou un inspecteur municipal a le pouvoir de vous inspecter, question de vérifier si vous êtes parfaitement conforme avec la loi sur la tabac.

Vous pourriez ainsi recevoir une amende salée si :

  • il vous manque une affiche obligatoire, à l’entrée ou dans le magasin;
  • vous exposez des produits interdits à la vue des clients, comme par exemple, des accessoires de vapotage ou du papier à cigarette;
  • votre étalage de tabac n’est pas conforme, ex : on voit un peu les paquets à travers les fentes ou encore, on les voit trop longtemps lorsque vous servez un client.

Et pourquoi ces municipalités-là et pas les autres?

Une simple résolution suffit

En fait, toutes les municipalités ont la possibilité d’appliquer la loi sur le tabac sur leur territoire si elles le veulent et ce, tant auprès des consommateurs (respect des zones d’interdiction de fumer) que des détaillants (respect des règlements sur la vente).

Pour activer cette possibilité, rien de plus simple.

En vertu de l’article 32 de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme (RLRQ, chapitre L-6.2), une municipalité n’a qu’à nommer des personnes ou des catégories de personnes (par exemple des policiers ou des inspecteurs municipaux) pour appliquer certaines dispositions de la loi sur le tabac.

Les champs d’application ne visent que les chapitres II et III de la loi (le volet III concerne les détaillants), et ne sont pas applicables dans les milieux de travail et les organismes publics.

Nul besoin de signer une entente avec le MSSS : il suffit juste de passer une résolution en ce sens, d’aviser le ministre de la Santé par écrit et le tour est joué.

De sorte que la ville de Sorel-Tracy, par exemple, n’a eu qu’à adopter une série de résolutions en conseil municipal et envoyer celles-ci au ministre pour se donner tous les pouvoirs requis (voir ci-joint la lettre de Sorel-Tracy adressée au ministre de la Santé, telle qu’obtenue en vertu de la loi d’accès à l’information).

Cet extrait de résolution de la ville de Sorel-Tracy qui date du 5 décembre 2016 autorise les agents de la Sureté du Québec et préposés à la réglementation municipale à appliquer la loi sur le tabac (cliquez sur l’image pour voir la résolution au complet).
L’argent, l’argent, toujours l’argent!

Et pour quelle raison les municipalités se donnerait le trouble d’appliquer cette loi?

Pour le gain financier, bien entendu.

En effet, en vertu des articles 39 et 40, les municipalités participantes ont la possibilité d’intenter les poursuites auprès de leur Cour municipale respective et de conserver le montant des amendes, s’il y a lieu.

Il s’agit à n’en pas douter d’un incitatif considérable pour encourager les villes à vous passer au peigne fin et à vous surveiller davantage!

Et c’est encore plus simple pour l’alcool

Dans le cas de Longueuil, le mois dernier, le policier en question qui a inspecté le dépanneur a aussi vérifié la conformité à la réglementation sur l’alcool.

Nous nous sommes donc adressés à la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) pour comprendre en vertu de quelle loi un policier municipal a le pouvoir d’inspecter un dépanneur pour l’alcool.

Celle-ci nous a référé à l’article 111 de la Loi sur les Permis d’alcool qui confère spécifiquement des pouvoirs d’inspection et d’intervention assez larges aux corps de police :

Un membre du personnel de la Régie désigné par le président ou, à la demande de la Régie, un membre d’un corps de police autorisé à cette fin par le ministre de la Sécurité publique ou un membre de la Sûreté du Québec peut, durant les heures d’ouverture d’un établissement, pénétrer dans l’établissement et dans ses dépendances et en faire l’inspection; il peut notamment examiner les produits qui s’y trouvent, (…) exiger la production des livres (…) ou, dans le cas d’une épicerie, de tout produit, et requérir tout autre renseignement ou document utile à l’application de la présente loi et des règlements ainsi qu’obliger toute personne sur les lieux à lui prêter une aide raisonnable.

Cette disposition ne désigne pas la police municipale comme telle, mais bien tout « membre d’un corps de police autorisé à cette fin par le ministre de la Sécurité publique ». C’est donc très large comme définition.

De fait, il est possible que tous les services policiers municipaux soient d’emblées autorisés par le ministre pour appliquer les lois sur l’alcool.

Quant à la Sureté du Québec, elle possède déjà le pouvoir d’appliquer toutes les lois québécoises, sans exception.

Et si certaines municipalités ont cru bon de nommer les policiers de la Sûreté du Québec pour appliquer la loi sur le tabac, c’est uniquement pour s’assurer de conserver le montant des amendes s’il y a lieu.

Les dépanneurs : objets de convoitise municipale

Les dépanneurs, en somme, doivent prendre pour acquis qu’ils sont perçus comme une vache à lait par certaines municipalités qui fantasment à les prendre en défaut dans le seul but de leur coller de belles grosses amendes juteuses.

Tenez-vous le pour dit : les inspecteurs du MSSS, la police municipale et la Sureté du Québec ne vous laisseront pas de répit. Ils vous ont à l’oeil et ont surtout votre portefeuille en vue.

Défendez-vous : équipez-vous sans tarder de la Signalisation ALERT, abonnez-vous au service Inspectabac de l’AQDA et prenez toutes les précautions nécessaires pour ne jamais être pris en défaut.

Cela fait malheureusement partie du risque à vendre ce produit légal qu’est le tabac au Québec.

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