EXCLUSIF – L’entente Visa | MasterCard profitera à toutes les provinces… sauf le Québec!

C’était sans contredit le gain le plus marquant jamais obtenu pour les détaillants québécois depuis une décennie.

C’était… car il faut maintenant en parler au passé.

En effet, la liberté prochaine de facturer les frais de carte de crédit aux consommateurs — chose impossible depuis toujours — est un pas en avant considérable pour corriger l’inéquité de ces coûts abusifs et injustes imposés aux marchands et qui viennent saper le fruit de leur dur labeur sans rien apporter de concret en retour.

La plupart des observateurs estiment même que cette mesure, à elle seule, pourrait faire baisser les taux d’interchange au Canada en rétablissant un meilleur équilibre des rapports de force entre détaillants et sociétés de carte de crédit.

Mais voilà, il y a un hic:  les détaillants québécois ne pourront aucunement en profiter.

Pire: ils seront les seuls au pays à ne pas pouvoir refacturer ces frais aux consommateurs.

La raison en est bien simple: la surfacturation de frais est carrément interdite par la loi québécoise de protection des consommateurs!

Visa et MasterCard sont ainsi mort de rire.

Il était temps que quelqu’un s’en aperçoive

Tel que rapporté par DepQuébec dans une récente série sur le sujet (voir ici, ici, ici, ici et ici), les détaillants canadiens auront bientôt la liberté de facturer une partie ou la totalité des frais de carte de crédit aux consommateurs s’ils le veulent (voir article ici), comme cela se fait aux États-Unis depuis janvier 2013.

Visa et MasterCard ont ainsi convenu d’une entente à l’amiable avec un consortium de recours collectifs initiés par des détaillants dans cinq juridictions canadiennes.

Annoncée en juin 2017, cette percée à été saluée par une salve d’applaudissement des groupes de détaillants.

D’autant plus que le Tribunal de la compétition, dans son jugement de 2013, avait confirmé que l’impossibilité de surfacturer était inéquitable et anti-concurrentielle.

Disant se réjouir de cette annonce, la puissante FCEI y vantait la voie que représente les avenues non-réglementaires.

« Bien que nous soyons heureux que les commerçants auront enfin la possibilité de facturer de modiques frais supplémentaires aux clients qui utilisent les cartes privilèges, nous pouvons présumer que beaucoup d’entre eux ne choisiront pas systématiquement d’utiliser ce nouveau pouvoir » — Martine Hébert, vice-présidente principale de la FCEI.

Mme Hébert ne savait pas si bien dire car en ce qui a trait au Québec, le taux d’utilisation sera de zéro.

Zéro comme dans trou de beigne.

En effet, personne n’a semblé réaliser, jusqu’à présent, que tout cela n’a aucune valeur ici car cette pratique y est totalement prohibée.

Le fait de ne pas pouvoir refacturer les frais de carte de crédit aux clients n’a rien de réjouissant pour les détaillants québécois qui vont demeurer les seuls au pays à rester coincés avec ces coûts sans cesse augmentant et qu’ils doivent constamment absorber, n’ayant aucune autre option disponible. Ce sont les consommateurs québécois qui, au final, finissent par payer la note par l’entremise de prix plus élevés ou pire encore, en subissant la fermeture de magasins qui se traduit par moins de services de proximité et moins de compétition entre les magasins restants.
L’OPC confirme

Jointe par DepQuébec, l’Office de la protection des consommateur (OPC) a officiellement confirmé hier que la surcharge éventuelle de frais de carte de crédit n’est pas permise actuellement par la loi sur la protection des consommateurs.

« Comme nous l’expliquions, de tels frais sont illégaux en vertu de l’article 224 c) de la LPC, qui est par ailleurs une loi d’ordre public, c’est-à-dire qu’on ne peut y déroger par un contrat, une convention ou autrement. » — Charles Tanguay, porte-parole de l’OPC dans un courriel à DepQuébec

Or, voici ce que l’article 224 c) dit en substance:

Aucun commerçant […] ne peut, par quelque moyen que ce soit, exiger pour un bien ou un service un prix supérieur à celui qui est annoncé.

À première vue, il ne semble pas s’agir d’un obstacle insurmontable car si les frais sont annoncés d’avance, comme il se doit, cela pourrait faire partie du « prix annoncé ».

Sauf qu’un détaillant s’est déjà essayé et sa défaite en Cour Supérieure a donné passablement de poids à l’interprétation de l’OPC.

Dans son jugement du 8 mai 2015 dans la cause Pizzéria Stratos vs OPC (voir la décision ici), le juge Jacques Blanchard a rejeté l’argumentaire d’un commerçant à qui l’OPC reprochait de surfacturer 0,75$ sur chaque transaction par carte de débit.

« Le tribunal est d’opinion que de ne pas inclure (les frais) dans le prix annoncé pour l’obtention d’un repas constitue une pratique commerciale interdite au sens de la LPC. » – Juge Jacques Blanchard

Ce même principe s’applique donc intégralement aux frais de carte de crédit et avec tout le poids que représente un jugement de la Cour Supérieure, on peut dire que l’affaire est entendue.

Des avocats surpris

C’est donc avec un brin de stupéfaction que DepQuébec a réalisé la semaine dernière — tout à fait par hasard — que la législation québécoise ne permettra pas aux détaillants québécois de surfacturer des frais de cartes de crédit et que ce qui semblait s’avérer un gain majeur n’était en fait qu’une chimère pour le Québec.

La liberté de surfacturer devait en théorie commencer 18 mois après que les tribunaux des cinq juridictions (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Ontario et Québec) aient avalisé l’entente, ce qui a été fait. Sauf que Walmart et Home Depot ont tous deux déposé des objections et, par la suite, des appels, de sorte que le processus s’en est trouvé considérablement ralenti, surtout avec le nombre de tribunaux concernés.

Rejoints hier par téléphone, deux des principaux avocats responsables du recours collectif contre Visa et MasterCard — l’un à Ottawa, l’autre à Vancouver — ont tous deux semblé surpris d’apprendre que la loi québécoise ne permettrait pas la surcharge de frais sur les transactions par carte de crédit.

David G.A. Jones, du cabinet Camp Fiorante Matthews Mogerman, a dit être conscient que la loi québécoise gênerait cette pratique, mais pas au point de l’interdire comme le font déjà plusieurs États américains au sud de la frontière.

David G.A. Jones

« Je n’ai pas connaissance qu’une telle interdiction existe ailleurs au pays » a estimé Me Jones en entrevue avec DepQuébec. « Maintenant, tout n’est pas perdu. Un des plus grands bénéfices de la surfacturation de frais est de rendre les taux plus compétitifs. Comme il ne sont pas déterminés par province, il se pourrait que le Québec tire quand même profit de meilleurs taux du fait que les autres détaillants à travers le pays exercent une pression en surfacturant. »

Il estime que les détaillants québécois auraient intérêt à sensibiliser le gouvernement du Québec à revoir cette disposition étant donné que dans le cas des cartes de crédit, le système actuel pénalise les consommateurs en forçant ceux sans carte de crédit à payer un peu plus cher leurs biens et services.

Il serait peut-être grand temps, en effet, de dépoussiérer les 600 articles et règlements de la Loi sur la protection des consommateurs pour l’actualiser aux besoins d’aujourd’hui.

Entretemps, les détaillants se retrouvent avec une nouvelle bataille sur les bras, soit celle de convaincre le gouvernement Legault de revoir cette disposition de la loi.

C’est donc possiblement une nouvelle bataille qui s’amorce… encore!

2 thoughts on “EXCLUSIF – L’entente Visa | MasterCard profitera à toutes les provinces… sauf le Québec!

  • 27 février 2019 à 10:45
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    Tout ce qui compte c’est que les géant de ce monde soie de plus en plus riche et les petits crever au plus vite … Bientôt il n’y aura plus d’épicerie et encore moin de dépanneur dans les petites municipalité et la population ne fait rien pour aider les petits… Il payes avec des cartes de credit il demande un salaire minimum de 15$ / h mais ont vent trop cher … Donc la solution facile les américains, Wall Mart, Cosco de ce monde … Eu il sont vraiment intelligent il vont sauver le monde… Mais qui vont t’il voir pour avoir une commandite ou quand il sont mal pris ???? Et quand un petit baisse les bras bin il ne travaillais pas assez ou il ne savais pas administrer …. Mais c’est clients sont les premier a chialler quand il n’y a plus d’épicerie ou même un dépanneur dans leur municipalité…. Réveiller vous !!!

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    • 27 février 2019 à 10:52
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      Il y a beaucoup de vrai dans ce que vous dites! La raison d’être de DepQuébec est justement de défendre les droits des petits dépanneurs et la pérennité de ce modèle d’affaires indépendant. Faut pas lâcher!

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