EXCLUSIF — L’Office de la langue française approuve l’appellation « bièriste » pour mieux désigner les détaillants spécialisés

Tandis que la RACJ avalise chaque jour un peu plus, par son mutisme désolant, la possibilité latente d’exploiter des magasins de bière sans aliment ou presque au Québec (voir articles ici et ici), un second organisme relevant du gouvernement du Québec vient d’ajouter une contribution positive cette fois au développement d’un réseau dynamique de dépanneurs et épiceries spécialisés en bières artisanales.

Important obstacle gênant la progression des magasins spécialisés en bières de microbrasserie et de cette industrie dans son ensemble, la longue terminologie utilisée jusqu’à maintenant pour les décrire pourra désormais être remplacée par un seul mot: « bièriste ».

Cette appellation des plus esthétiques, simples et efficaces n’existait pas à ce jour dans la langue française. Elle vient toutefois d’obtenir le feu vert de l’Office québécois de la langue française (OQLF) qui a aussi arrêté la bonne orthographe du mot, soit « bièriste » avec un accent grave et non « bierriste » avec deux « r » et sans accent et ce, tel que le proposait DepQuébec dans sa requête initiale.

Un mot qui fait économiser jusqu’à six fois son nombre de caractères

L’automne dernier, DepQuébec saisissait l’Office d’un problème méconnu mais bien réel, soit le fait que les dépanneurs spécialisés en bières de microbrasserie (50 caractères pour ce terme seulement) ne puissent se décrire simplement et qu’ils soient ainsi obligés de rédiger un roman en quelque sorte à chaque fois qu’ils ont à se définir.

Doté de seulement huit lettres, le néologisme percutant qu’est le mot « bièriste » s’est alors imposé comme une solution ingénieuse au problème :  bien plus qu’esthétique, ce mot a une vocation principalement utilitaire en permettant d’épargner jusqu’à six fois son nombre de caractères dans un contexte de communication commerciale où l’espace est restreint, l’attention limitée et où il n’y a pas place pour la confusion.

La magie de ce mot est évidente et ses applications nombreuses comme on le voit au tableau suivant :

MAGASIN
DESCRIPTIF ACTUEL
NBRE DE CARACTÈRES
NOUVEAU DESCRIPTIF
NBRE DE CARACTÈRES
ÉCONOMIE
Espace HoublonBoutique spécialisée en vente de bières de microbrasserie
57
Bièriste
8
86%
Marché Centre VilleSpécialisés en bières de microbrasseries
40
Bièriste
8
80%
Le Monde des bièresBières de microbrasseries québécoises
37
Bièriste
8
78%
L'Axe du MaltDépanneur | Bières de Microbrasserie
35
Dépanneur-bièriste
18
77%
Le Permis de bièreBières de microbrasseries du Québec
35
Bièriste
8
77%
La BarikBières de micro-brasseries
26
Bièriste
8
69%
Dépanneur PelusoBières Micro-brasseries
23
Bièriste
8
65%
Dépanneur JessopAu Paradis de la bière
22
Bièriste
8
63%
Marché du BoiséMarché de la bière
18
Bièriste
8
55%
La Glacière de l'EstBières du Québec
16
Bièriste
8
50%
Détaillants de bières spécialisées du Québec (DBSQ)Détaillants de bières spécialisées du Québec (DBSQ)
51
Bièristes du Québec (BQ)
24
51%
Épicerie LauzièreÉpicerie et Bière de spécialité
31
Épicerie-bièriste
17
45%
La ConsigneBeer Chope
14
Bièriste
8
42%
Dépanneur La RessourceMicrobrasserie
14
Bièriste
8
42%
Dépanneur du LacLe Spécialiste
14
Bièriste
8
42%
Boutique Broue HaHaLa meilleure sélection en bières de microbrasserie au Québec
60
Le bièriste ayant la meilleure sélection
40
33%

Un endossement prestigieux et crédible de la plus haute autorité québécoise en matière de langue

Soumis à l’attention de l’OQLF par DepQuébec en novembre dernier, la demande du portail a été rejetée une première fois avant d’être finalement approuvée quelques semaines plus tard, le 20 décembre 2017, après révision.

DepQuébec avait alors fait valoir la complexité accrue rencontrée par les dépanneurs spécialisés à se définir simplement et offrant pour preuve mathématique le nombre de caractères pouvant potentiellement être épargnés par l’utilisation grandissante du mot.

« C’est un énorme raccourci (…) On passerait ainsi de 38/39 caractères (incluant les espaces entre les mots) à seulement 8 (une économie de 79%)! » – requête en révision de DepQuébec

Dans sa réponse finale, l’Office estime à prime abord que les termes actuellement en cours dans l’industrie sont exacts et précis.

« Il nous semble être une bonne solution que de conserver des syntagmes plus descriptifs comme dépanneur spécialisé en bières de microbrasserie (ou en bières artisanales) ou épicerie spécialisée en bières de microbrasserie (ou en bières artisanales), notamment parce qu’ils sont en usage au Québec et qu’ils permettent de distinguer sans problèmes cette catégorie de commerce et de les faire sortir du lot. » – L’équipe du Grand dictionnaire terminologique (GDT), correspondance à DepQuébec, 20 décembre 2017

L’organisme reconnaît en revanche que ces derniers gagneraient à être écourtés par une nouvelle appellation qui pourrait voisiner les anciennes.

« Nous comprenons toutefois votre besoin de proposer une appellation moins longue pour désigner ces commerces. Le syntagme plus long pourrait alors coexister dans l’usage avec un syntagme plus court, qui devrait idéalement inclure le générique dépanneur ou épicerie. » – L’équipe du GDT

Après avoir soupesé la proposition du mot « bierriste » faite par DepQuébec, l’organisme rend son jugement d’expert :

« En conclusion, nous privilégierions les termes dépanneur-bièriste et épiceriebièriste pour désigner, en moins de mots, un dépanneur ou une épicerie qui est spécialisé dans la vente de bière de microbrasserie. » – L’équipe du GDT

C’est l’industrie qui décidera

Advenant que le mot devienne d’usage courant, l’OQLF pourrait alors envisager de l’inscrire officiellement dans le Grand Dictionnaire Terminologique. L’appui donné à DepQuébec est en somme une première étape en ce sens.

Il n’y a bien sûr pas d’urgence mais l’adoption accélérée du terme « bièriste » n’aurait que des avantages pour l’industrie :

  • mieux démarquer les dépanneurs et épiceries spécialisés qui offrent une vaste sélections de bières artisanales des autres qui offrent une sélection régulière;
  • faire davantage connaître la catégorie des spécialistes en bières de microbrasserie en l’associant à un nouveau mot endossé par l’OQLF;
  • développer une réelle fierté de bièriste, car il s’agit d’une profession en soi.

L’adoption du mot ouvre par ailleurs la porte à une famille de déclinaisons telles que : dépanneur-bièriste, épicerie-bièriste, marché-bièriste, supermarché-bièriste, boutique bièriste et autres.

Et tant qu’à y être, pourquoi pas : Maître Bièriste (titre réservé à l’expert qui, dans le commerce, est le plus au fait des dernières tendances), Bièriste Expert (titre réservé à un conseiller chevronné); Ordre des Bièristes (regroupement des experts dans le domaine), etc.

Le dernier point à faire valoir est que bièriste est un mot important car il désigne une catégorie. Or, en matière de marketing, les mots qui désignent des catégories sont des leviers puissants car ils s’ancrent littéralement dans l’esprit des gens sans aucun effort (ex: le mot « dépanneur » qui désigne aussi une catégorie et qui s’est répandu comme une trainée de poudre).

Pour en connaître davantage sur ce phénomène appelé « positionnement », lisez ceciceci, ceciceciceciceciceci et encore ceci.

Bien plus qu’une simple économie de lettres, le mot bièriste vient accentuer le pouvoir et la force d’attraction de la catégorie auprès des consommateurs et du grand public.

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