Ventes légales de tabac : Forte baisse en 2019 mais hausse anticipée en 2020 grâce à la pandémie

En plus d’avoir permis aux dépanneurs de rester ouverts malgré le confinement et augmenté leurs ventes en général (mis à part l’essence et la loterie), la pandémie pourrait avoir également aidé les détaillants de tabac à renouer avec leurs volumes passés de cigarettes, c’est-à-dire ceux plus importants d’il y a cinq ou six ans.

En effet, si l’on en croit les Comptes publics 2019-2020 publiés en décembre dernier par le ministère des Finances et qui renferment les données comptables vérifiées du gouvernement, les revenus réels de la taxe sur le tabac au Québec ont abruptement chuté de 5,7% en 2019-20, soit l’année précédant la pandémie, passant de 995 à 938 millions de dollars entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2020.

Sachant que la taxe québécoise sur le tabac est demeurée la même depuis 2014, ces revenus reflètent fidèlement le volume du marché légal. Or, non seulement s’agit-il de la quatrième baisse annuelle consécutive des ventes légales de tabac depuis 2016, mais c’est en outre la plus importante observée depuis 15 ans environ, soit depuis l’explosion de contrebande de tabac vécue au milieu des années 2000.

Il appert donc que le marché légal du tabac s’effrite à un rythme accéléré avec une diminution moyenne des revenus de la taxe tabac de l’ordre de 3,5% par année depuis cinq ans.

En revanche, de nombreuses indications et au moins une étude laissent entrevoir que l’année financière 2020-2021 devrait connaître un tout autre sort, voire une hausse très significative de 5%, 10% voire même éventuellement 15% des volumes actuels ce qui, advenant ce dernier scénario, ajouterait pas moins de 141M$ de plus aux revenus du gouvernement (voir tableau suivant).

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Les revenus annuels de la TPT (taxe provinciale sur le tabac) ont baissé de 57M$ en 2019-2020 pour atteindre 938M$, une diminution annuelle de 5,7%. En revanche, les paris sont ouverts quant à la hausse prévue cette année (2020-2021) puisque durant la pandémie, les ventes de tabac légal ont augmenté de manière inversement proportionnelle à la baisse de la contrebande résultant de la fermeture des cabanes à tabac. Note : les colonnes oranges représentent des années ou la TPT a été augmentée. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.
Une pandémie révélatrice de contrebande 

La pandémie de coronavirus a fait très mal à la contrebande de tabac. En effet, les diverses mesures de confinement, fermetures, couvre-feu et autres qui ont été imposées pour freiner la propagation du virus n’ont pas épargné les réserves autochtones. Cela a notamment provoqué la fermeture temporaire des 200 cabanes à tabac illégales de Kahnawake durant une bonne partie du printemps 2020 ainsi que la douzaine de manufactures illégales de tabac qui s’y trouvent.

Conséquemment, les chaînes d’approvisionnement du tabac illégal se sont vues fortement perturbées au Québec, de la disponibilité de la matière à la fabrication sans oublier la distribution souterraine via des réseaux criminels. Les fumeurs habitués à s’en procurer ont donc été forcés de retourner fréquenter les dépanneurs et délier les cordons de la bourse pour payer les taxes dues aux gouvernements.

Pour les détaillants de tabac, l’effet s’est fait sentir quasi instantanément, d’autant plus que les fumeurs ne stockent pas ou très peu leurs produits à l’avance pour la plupart, question de fraîcheur et d’humidité du tabac.

Ainsi, des clients que les propriétaires ne voyaient plus souvent se sont mis à revenir en magasin au point où certains magasins ont souffert de pénurie de produits.

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De nombreux propriétaires de tabagie situés sur la Rive-Sud, en bordure de la réserve de Kahnawake, ont confié à DepQuébec avoir remarqué une hausse significative de leurs ventes de tabac du moment que les cabanes ont fermé, entre autres pour les produits plus abordables comme le tabac en vrac et les tubes à cigarettes. Crédit photo : Revenu Québec
Des ventes en hausse de 24% en juin 2020 

À ces anecdotes obtenues ici et là s’ajoutent le poids d’une étude sérieuse et crédible venue confirmer et voire même, chiffrer la réalité du phénomène.

Voyant une opportunité d’éclairer les autorités politiques sur le phénomène toujours en vogue de la contrebande, le Conseil canadien de l’industrie des dépanneurs (CCID) a commandé à la firme Ernst & Young LLP (EY) une étude sur la hausse des ventes de tabac légal durant la pandémie et ce, dans les diverses provinces canadiennes touchées par la contrebande.

Les chiffres qui en ressortent sont des plus révélateurs:

  • Les ventes de cigarettes légales ont atteint un sommet en juin 2020, soit une augmentation de 24% par rapport aux ventes pour la même période en 2019;
  • Durant ce mois, l’augmentation des ventes dans les dépanneurs examinés par l’étude a généré des recettes fiscales supplémentaires de 50M$ entre les provinces (32M$) et le fédéral (18M$);
  • L’Ontario et le Québec ont vu leurs revenus augmenter de 6,3M$ et 6,7M$ respectivement… pour un seul mois!

Ainsi donc, on voit clairement ici que dès que les cabanes ferment, les ventes de tabac en dépanneur augmentent. Cela prouve noir sur blanc que la contrebande de tabac continue de peser lourdement sur les finances publiques et que l’attentisme des autorités face au problème coûte cher aux contribuables, un constat qui devrait susciter un agenda plus proactif des gouvernements pour à tout le moins s’asseoir avec les réserves autochtones et tenter de trouver des solutions de compromis acceptables pour tous.

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Les chiffres de Statistiques Canada sur les ventes de cigarettes au Québec constituent une autre source crédible pour saisir l’évolution du marché légal de tabac au Québec. Ces derniers confirment la tendance à la baisse du volume suggérée par la diminution des revenus de la taxe tabac québécoise après 2015-2016 mais surtout, l’impact de la contrebande de tabac au milieu des années 2000 qui s’est traduite par une affaissement prononcé des ventes légales au profit des ventes illégales. Source : ici. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.
Moins de contrebande, plus de justice 

La réduction soutenue des ventes légales de tabac peut être attribuée à une foule de facteurs, dont une baisse plausible du tabagisme, une hausse de la contrebande et une popularité soutenue du vapotage, surtout chez les ex-fumeurs. Et s’il est certes difficile de mettre le doigt sur une cause en particulier, il y a fort à parier que cette tendance est là pour durer, mis à part la singularité pandémique de l’année 2020.

Quant à la baisse observée de la contrebande de tabac, même sur une période limitée, il s’agit à n’en pas douter d’une excellente nouvelle pour tous les acteurs impliqués dans le marché, qu’il s’agisse des détaillants, fabricants, gouvernements, contribuables et même tenants de la santé. Les consommateurs eux-mêmes devraient tout autant se réjouir!

En effet, si chaque consommateur de contrebande économise à l’achat en évitant les taxes, il investit ce faisant dans la criminalité, chaque achat effectué permettant à des bandits de financer des activités aussi néfastes que le trafic de stupéfiants et le proxénétisme, voire même la prostitution juvénile. Ces groupes n’ont aucune morale et n’hésitent aucunement à recourir à la violence s’il le faut pour arriver à leurs fins.

Les dépanneurs ont ainsi de quoi être fiers de vendre du tabac légalement et de contribuer à faire en sorte que le marché du tabac demeure autant que possible — et le plus possible — dans la légalité, contrôlé et réglementé par l’État et non par des bandes criminelles.

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