La réglementation frileuse du vapotage au Québec décourage l’offre d’une alternative au tabac

Si vous pensiez que l’Ontario est une province prude en comparaison au Québec, détrompez-vous.

En matière d’encadrement du vapotage, c’est plutôt l’inverse: la libéralisation récente à laquelle on assiste en Ontario s’avère des plus audacieuses tandis que la frilosité d’ici a de forts relents de petit cathéchisme.

En effet, le nouvel homme fort de l’Ontario, Doug Ford, vient tout juste de suspendre l’application de la réglementation sur le vapotage récemment adoptée et qui devait entrer en vigueur pas plus tard que le 1er juillet dernier.

Pourquoi? Pour s’assurer de bien comprendre les tenants et aboutissants du vapotage sur la foi de données probantes plutôt que de bêtement céder aux pressions malavisées de groupuscules prohibitionnistes.

Une décision fort sage qui aurait tout intérêt à être mûrement réfléchie et à stimuler un débat ici, au Québec, alors que s’amorce la prochaine campagne électorale.

À toute vapeur en Ontario

Dans la province voisine, de nombreuses voix se sont élevées — et pas des moindres, notamment plusieurs chercheurs et médecins réputés (voir ici et ici) — pour soutenir le vapotage en tant qu’alternative au tabac et même dénoncer l’ostracisation dont il fait l’objet.

“En Ontario, le gouvernement est en train de mettre en place une réglementation hypocrite qui va rendre plus difficile la cessation du tabagisme pour les fumeurs.” — Dr Akbar Khan, fondateur du Medicor Cancer Centres, un centre intégré pour le traitement du cancer à Toronto, dans une lettre ouverte publiée en mai dernier, un mois avant l’élection du gouvernement conservateur de Doug Ford.

Ainsi, alors que la province voisine s’apprêtait à imiter l’approche puritaine québécoise consistant à réglementer le vapotage avec autant de sévérité que le tabac — interdiction d’en montrer, d’en promouvoir, d’en consommer dans des espaces clos publics et autres — le nouveau gouvernement ontarien estime qu’on est allé trop loin, trop vite dans ce dossier et vient de mettre un stop à cette folie.

Or, une simple escapade au pays de Doug Ford nous a permis d’apprécier le contraste saisissant qui différencie maintenant les pratiques ontariennes et québécoises de la vente d’articles de vapotage.

Libres d’offrir une alternative moins nocive que le tabac

Contrairement au Québec où il risquerait des amendes salées de près de 4000$, un dépanneur ontarien peut présentement étaler à la vue des clients sa gamme de produits de vapotage. Il peut les promouvoir, éduquer sa clientèle via de la documentation et afficher les prix sans risque d’être inquiété.

Dans les dépanneurs ontariens, et malgré la présente loi adoptée sous un gouvernement précédent, il est présentement toléré par les autorités de montrer les articles de vapotage à la vue des clients, comme on le voit sur les photos du haut, prises dans différents dépanneurs. Le gouvernement Ford a mis un frein à l’application de la loi révisée du “Smoke-Free Act” qui, émulant le Québec, réglemente le vapotage exactement comme s’il s’agissait d’un produit du tabac alors que ce n’est pas le cas.
Il est permis en outre d’afficher à l’intérieur du magasin et de diffuser de la documentation sur les produits en vente de manière à informer les consommateurs sur les divers avantages des produits offerts et la façon de les utiliser.
Un dépanneur peut par ailleurs utiliser l’affichage externe comme on le voit ici (sur le mur et sur une vitrine) en tant que medium pour promouvoir les produits de vapotage, faire connaître leurs prix et les promotions en cours. Au Québec, tout cela est formellement interdit, rigoureusement surveillé de sorte qu’à la moindre incartade, c’est l’amende garantie.
Les “vape shops” en profitent aussi

Par ailleurs, l’encadrement réglementaire est plus souple aussi pour les boutiques spécialisées qu’on appelle les “vape shops”.

Toute la notion de devoir cacher les produits de vapotage aux mineurs n’est pas appliquée, ce qui fait en sorte que les vape shops ontariens peuvent les montrer (à gauche) et n’ont pas besoin de mettre un voile sur leur vitrine comme au Québec (à droite).
En Ontario, il est permis de faire des dégustations de produits dans les boutiques, comme ici à Cornwall, où nous avons pu tester une dizaine de saveurs différentes. Au Québec, de telles démonstrations sont interdites, même dans des boutiques spécialisées. Et bien qu’il ne soit pas légalement tenu de le faire, le propriétaire nous a indiqué qu’il ne laissait pas les mineurs entrer dans le magasin à moins qu’ils soient accompagnés d’un adulte.
Plus frileux que le Québec, tu meurs

Maintenant que les deux paliers de gouvernement ont statué (très tardivement) sur l’encadrement réglementaire du vapotage (Québec en 2015, Ottawa en 2018), nous sommes à même de constater les résultats pathétiques de leurs politiques.

La situation qui prévaut actuellement au Québec est franchement désolante car ayant été mis au ban de la société, le vapotage n’est pour ainsi dire plus du tout visible ni promu en tant qu’alternative moins nocive au tabac.

Or, l’interdiction d’étalage est pire pour le vapotage que le tabac car au moins, même si on ne voit plus les paquets de cigarettes depuis 2008, tout le monde sait qu’un dépanneur vend du tabac.

On ne peut malheureusement pas en dire autant pour le vapotage, car à l’heure actuelle, personne ne sait qui vend quoi et si même il en vend. La situation est donc très confuse.

C’est qu’avant la loi québécoise de 2015, les dépanneurs pouvaient étaler les produits de vapotage en magasin mais n’avaient pas le droit de vendre des liquides avec nicotine, qui sont les plus demandés et aussi, les plus intéressants pour un fumeur de tabac.

De sorte que les dépanneurs qui ont tenu de tels produits sans nicotine ont été généralement déçus par le faible volume des ventes, puisque sans nicotine, pas de marché.

Puis, maintenant qu’ils peuvent vendre des liquides avec nicotine, ils n’ont plus le droit de les montrer!

Il n’y a donc absolument rien qui puisse aider les détaillants à développer ce marché sans aucune possibilité de promotion ou de visibilité du produit et sans même l’ombre de la queue d’un historique de vente.

Cette boîte métallique anonyme, qui ressemble à un petit frigidaire, passe complètement inaperçue dans l’environnement encombré de la zone de caisse d’un dépanneur. Or, c’est dans ce contenant perdu au milieu de nulle part que se trouve les produits de vapotage en vente chez le dépanneur. Il faudrait somme toute être télépathe pour pouvoir espérer en faire la promotion dans de telles conditions!
Que faire de notre million de fumeurs alors?

Au dernier recensement, le Québec comptait environ 1,2 million de fumeurs. Ça en fait du monde.

Le gouvernement se donne pour objectif de diminuer cette cohorte en deux d’ici 2025… fort bien. Alors comment vont-ils faire pour arrêter les pauvres?

Le vapotage n’est-elle pas une avenue des plus intéressantes pour les inciter à diminuer graduellement leur vilaine habitude?

Les détaillants et l’industrie du vapotage ne pourraient-ils pas jouer un rôle constructif en ce sens en moussant cette option et ce, tout en bénéficiant de justes retombées économiques qui compenseraient pour la baisse du tabac?

Et le Québec ne serait pas seul car outre l’Ontario, de nombreux pays dans le monde comme le Royaume-Uni, la Suède, la Hollande et la République Tchèque (voir ici) sont beaucoup plus permissifs et adhèrent davantage à l’idée scientifiquement fondée que le vapotage est une opportunité à saisir pour réduire le tabagisme.

Mais le Québec? Ben voyons. On est bien trop frileux ici, pensez-vous.

En tout cas, pas mal plus qu’en Ontario!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *