Salaire minimum à 15$ : un enjeu majeur pour les dépanneurs aux prochaines élections

Le 1er janvier prochain, le salaire minimum de l’Ontario passera de 11,60 $ à 14,00 $, un bond ahurissant de 21 %. Puis, un an plus tard, il grimpera à 15 $, une seconde hausse de 7 %.

Autrement dit, en l’espace d’un an seulement, il sera haussé de près de 30 %! Incroyable mais vrai : 30% de hausse en un an, alors que l’inflation oscille généralement entre 1 et 2%!

Ce qui se produit dans la province voisine a évidemment un effet ici, au Québec. De nombreuses voix ne manqueront pas d’exiger que le Québec emboîte le pas. L’exemple ontarien leur donne du poids.

Or, on sait déjà que 2018 sera une année électorale qui s’annonce chaudement disputée. Le salaire minimum risque dès lors de devenir un enjeu chaud, voire clé de la prochaine élection.

La question est de savoir QUAND

L’enjeu du salaire minimum à 15$ n’est pas tant d’être pour ou contre — car tôt ou tard, on le verra apparaître — mais bien de savoir QUAND il sera implanté.

Ainsi, si on se fie à la tendance depuis 10 ans, ce ne serait pas avant 2026 — soit dans neuf ans — qu’on verrait un salaire minimum à 15 $.

Comme on le voit au tableau ci-haut, le salaire minimum a été augmenté en moyenne trois fois plus vite que l’inflation depuis 2007, de sorte qu’il a cru de 40,6 % en 10 ans. Le gouvernement libéral a annoncé vouloir l’augmenter au même rythme d’environ 3,4 % d’ici 2020, mais pourrait changer d’idée selon l’économie. En s’en tenant à ce rythme, le salaire minimum à 15$ verrait le jour en 2026 et pas avant.

Toutefois, les hausses drastiques du salaire minimum à 14 $ en janvier prochain en Ontario, puis à 15 $ en janvier 2019, viennent brouiller les cartes : pour la première fois, il y aura un grand écart significatif entre les salaires minimum des deux provinces voisines.

Depuis 2007, l’écart du salaire minimum entre le Québec et l’Ontario n’a jamais dépassé 8,7 % en faveur de l’Ontario, soit en 2014 (11,25 $ pour l’Ontario vs 10,35 $ pour le Québec). Toutefois, cet écart bondira à 19,15 % en 2018 et à 24 % en 2019, du jamais vu! Toutes sortes d’effets pervers peuvent ainsi voir le jour, comme par exemple une plus grande rareté de la main d’oeuvre en Outaouais, dans les zones limitrophes avec la province ontarienne.
La position des partis occupe tout le registre des possibles

La question du salaire minimum a tous les ingrédients pour devenir un enjeu électoral de premier plan en 2018 :

  • c’est une règlementation qui affecte beaucoup de gens : 350 600 personnes touchent un salaire minimum au Québec;
  • il y a tout un mouvement en marche pour la hausse à 15 $, non seulement en Ontario mais aussi aux États-Unis (syndicats, groupes de gauche);
  • c’est un enjeu porteur sur le plan stratégique pour les partis : il crée une ligne de démarcation claire entre les partis, leur permet de mieux se distancer de leurs concurrents et de mettre à jour leurs valeurs, leur programme et leurs priorités.

À quoi s’attendre de la position des différents partis en lice concernant le salaire minimum? Bien qu’il faille lire les plateformes électorales de chacun pour en avoir le coeur net, nous pouvons d’ores et déjà anticiper leur position selon les gestes posés et les déclarations émises à date de la part de leur chef ou de leur base militante.

Parti libéral du Québec : pas maintenant

Au pouvoir depuis 2014, le Parti libéral a d’abord montré de l’ouverture en faveur d’un débat à ce sujet pour finalement se raviser et fermer la porte à double tour (voir article de DepQuébec à ce sujet ici).

De sorte que, fait très rare, lorsqu’il a annoncé le taux du salaire minimum en 2017, le gouvernement a fait connaître ses intentions pour les prochaines hausses d’ici 2020, soit :

  • 0,50 $ en 2018 (11,75 $)
  • 0,35 $ en 2019 (12,10 $)
  • 0,35 $ en 2020 (12,45 $)

Selon Dominique Vien, ministre du Travail, la hausse du salaire minimum décrétée en 2017 constitue un « équilibre entre une rémunération équitable pour les salariés et la capacité de payer des entreprises ».

À ce rythme, tel qu’illustré au tableau plus haut, le salaire minimum n’atteindrait pas 15 $ avant 2026.

Coalition Avenir Québec : c’est non

Pour ce qui est du parti de M. François Legault, ce dernier s’est montré très réticent à une hausse à 15 $.

Dans une entrevue accordée au quotidien Le Nouvelliste en août 2016 (voir ici), M. Legault s’est dit carrément contre l’idée d’une telle hausse drastique.

« L’inquiétude que j’ai, c’est que beaucoup de jeunes qui ont accès à des emplois à 10 $, 11 $ ou 12 $ de l’heure verraient leur emploi disparaître.  C’est prendre le problème à l’envers. Si au Québec ou en Mauricie on avait beaucoup d’emplois, les employeurs seraient obligés d’offrir des salaires plus élevés pour attirer les travailleurs. Donc, le problème n’est pas le salaire minimum, le problème, c’est le manque d’emplois de qualité au Québec », de déclarer M. Legault.
Parti québécois : valse hésitation pour finalement pencher en faveur

La question du salaire minimum est une patate chaude au Parti québécois, un parti connu pour une certaine rigueur économique mais tiraillé par de forts courants de gauche.

Après avoir initialement exprimé de la réticence pour la hausse du salaire minimum à 15 $, craignant l’impact de celle-ci sur l’emploi, le parti s’est finalement rallié, l’été dernier, à une motion mise de l’avant par Québec solidaire et qui se lit comme suit :

« Que l’Assemblée nationale reconnaisse que, en 2016, seul un salaire horaire de 15$ ou plus permet aux personnes salariées à temps plein d’obtenir un revenu viable. Que l’Assemblée nationale s’engage à adopter d’ici la fin de la présente législature une loi sur le salaire minimum à 15$ de l’heure qui établira les critères pour son augmentation annuelle. » – Motion de Québec Solidaire appuyée par le PQ, 19 mai 2016

Cette motion a reçu l’appui des 28 députés du Parti québécois et de Québec solidaire présents à l’Assemblée nationale et a été rejetée par les 78 députés du Parti libéral et de la Coalition Avenir Québec.

Le Parti québécois a donc clairement pris position en faveur du salaire minimum à 15 $ sans préciser toutefois dans combien de temps ou d’années il appliquerait ce taux. Il est donc assis encore sur la clôture mais d’ores et déjà, plusieurs militants de ce parti présentent cette mesure comme un acquis, comme par exemple la présidente du parti, Mme Gabrielle Lemieux, qui s’est donnée pour objectif de mieux faire connaître la volonté du parti d’implanter cette mesure (voir article ici).

La jeune députée vedette Catherine Fournier du PQ a par ailleurs déclaré que le salaire minimum à 15 $ « est une mesure que nous partageons avec Québec Solidaire » (source : ici).

Il sera intéressant de voir comment le PQ va concilier cette prise de position avec son désir de se rallier l’appui des PME.

Pour Québec Solidaire : c’est une priorité!

Chez Québec Solidaire, pas de mystère : on est en faveur de la hausse du salaire minimum à 15 $ et ce, le plus rapidement possible, voir dès maintenant, sans discuter.

De fait, à la rentrée parlementaire de 2016, le parti en faisait même une priorité (voir article ici).

La députée Manon Massé a de plus demandé une commission parlementaire pour, selon ses dires, « déconstruire les peurs de la droite » en ce qui a trait à une éventuelle hausse du salaire minimum à 15 dollars.

Ce parti d’extrême gauche qui cherche à ratisser plus large en montrant un visage plus modéré et rassurant n’a rien abandonné de sa philosophie très radicalement socialiste et anti-capitaliste.

Dans leur naïveté habituelle, les Solidaires préconisent de hausser le salaire minimum pour ainsi « créer de la richesse » en redonnant davantage aux plus démunis.

L’argent poussant dans les arbres, il suffit d’aller la chercher et le tour est joué!

Un vote en 2018… pour le salaire minimum

En conclusion, à défaut de voir la CAQ ou le Parti libéral sortir victorieux des prochaines élections, les dépanneurs risquent fort de se faire imposer une hausse drastique du coût de leur main d’oeuvre dès 2019, qui peut facilement représenter 40 000 $ et plus par année en charges d’exploitation additionnelles pour un dépanneur qui souhaite maintenir un employé et demi sur le plancher en tout temps (voir simulation ici). Pour plusieurs, surtout les plus fragiles, ce sera sans doute la goutte d’eau qui fera déborder le vase et des fermetures en série sont à prévoir.

Car si les partis politiques sont vraiment très forts pour imposer des hausses de coûts avec le sourire et une tape dans le dos, ils sont absolument nuls et sans aucune utilité lorsqu’il s’agit de dégager des solutions de revenus additionnels.

On se demande toujours dans quelle poche les dépanneurs pourront aller chercher de tels revenus supplémentaires… en tout cas, sûrement pas dans celles de Loto-Québec ou de la SAQ!

Oubliez ça…

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