Un homme et Sagamie

Au 10e rang des chaînes de dépanneur du palmarès DepQuébec figure un nom intrigant : Le Groupe Saga.

Fort de ses 70 magasins, il s’agit du plus grand regroupement de propriétaires indépendants, et de loin. Or, voilà bientôt 40 ans que ce groupe se dresse solidement à l’horizon et défie vents et marées sans jamais défaillir dans l’univers brutal du commerce de proximité.

Le succès tenace des Super Sagamie, la bannière phare du Groupe Saga, a de quoi surprendre et à qui s’y intéresse, les questions fusent : comment font-ils pour tirer leur épingle du jeu en dépit d’une taille relativement modeste? Pourquoi leurs marchands restent-ils aussi unis et les coudes serrés? Quelles recettes mettent-ils de l’avant pour augmenter leurs marges et diminuer leurs coûts? Comment font-ils pour résister, année après année, aux chants de sirène des grandes chaînes et de tous les groupes intéressés à les acquérir, un par un?

La réponse tient en un mot : rassembleur. Et en une personne : Jacques Falardeau.

Portrait d’un homme et Sagamie.

De la pente de ski aux aléas des dépanneurs

Diplômé en génie mécanique, Jacques Falardeau, un Saguenéen, commence sa carrière dans la vente en travaillant chez Sports Experts. Passionné de ski alpin, il œuvre durant plusieurs années comme coach et moniteur de ski. Par la suite, rêvant d’obtenir sa propre entreprise, il saisit l’occasion d’acquérir son premier commerce en mars 1995 à Jonquière, soit le dépanneur Sagamie Langelier.

N’ayant aucune expérience dans ce secteur, Jacques apprend sur le tas, au jour le jour, en tirant profit de ses qualités de vente et service à la clientèle. « J’ai appris en faisant des erreurs », avoue-t-il. « Heureusement, je suis un bon travaillant et aussi, très habile de mes mains pour effectuer moi-même les réparations et rénovations dans le commerce ». Il parvient ainsi à réduire ses frais de manière significative en mettant la main à la pâte.

Jacques poursuit sur sa lancée en faisant l’acquisition de deux autres dépanneurs, pour en compter trois. Il vendra toutefois le dernier, par choix, en 2010.

Le dépanneur 707 Super Sagamie de Saint-Ambroise, une municipalité au nord du Saguenay, entre la ville du même nom et Alma. La marque Super Sagamie profite d’une masse critique dans la région du Saguenay-Lac-St-Jean où le réseau compte une cinquantaine de magasins affiliés.
La petite histoire des dépanneurs Sagamie

La bannière Super Sagamie est née en 1978 alors que deux propriétaires de dépanneurs, Jean-Paul Legault (Jonquière) et Étienne Lapointe (Chicoutimi) décident de s’unir pour regrouper leurs achats et générer des économies d’échelle. Cependant, ils réalisent rapidement qu’à seulement deux, leur volume n’est pas suffisant pour faire une différence : il leur faut plus de commerces. Ainsi, petit à petit, ils rallient une dizaine de dépanneurs. Ce premier regroupement s’était donné un nom informel, non enregistré et qu’ils utilisaient entre eux : « Les Dépanneurs AMI » (à ne pas confondre avec la bannière AMI de Metro).

Au milieu des années 1980, voyant s’accroître leur force et l’augmentation de bénéfices, la bannière jusque-là informelle se crée une nouvelle entité sous la marque « Dépanneurs Sagamie », pour Saga, les deux premières syllabes du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ainsi formalisé, le regroupement peut davantage négocier avec les fournisseurs, centraliser la facturation, les achats publicitaires, se doter d’une permanence, d’un entrepôt et même d’une circulaire aux deux semaines.

Au tournant des années 90, les heures d’ouverture des épiceries sont prolongées ce qui entraîne de grands chambardements pour l’industrie du dépanneur. Une étude menée par Sagamie leur suggère de se rapprocher du modèle des épiciers et même, de supprimer l’appellation « dépanneur » de leur affichage pour se positionner davantage comme des « commerces de proximité ».  C’est à ce moment que le regroupement, ayant de 15 à 20 dépanneurs à l’époque, adopte la marque « Super Sagamie ».

Malgré une structure plus importante, des employés spécialisés et des services centralisés et malgré le fait que les dépanneurs réalisaient de réelles économies avec la mise en commun de services, l’organisation n’était pas efficiente ni rentable. Le recrutement de nouveaux dépanneurs était inexistant et personne ne venait cogner à la porte pour demander d’adhérer à Super Sagamie.

Le début de l’ère Falardeau

C’est alors qu’une réflexion stratégique est lancée par Jacques Falardeau et ses deux comparses propriétaires, Gérard Perron et Jean-Pierre Coderre. Au même moment, le président en titre du regroupement vend son dépanneur et quitte le navire. Jacques Falardeau devient alors président des Super Sagamie, poste qu’il occupe depuis.

À la barre du navire, il se redresse les manches et propose un plan de développement pour les 17 dépanneurs dont onze sont actionnaires du groupe. Une fois avalisé, il est mis en branle. Un an plus tard, les dépanneurs Super Sagamie comptent déjà 10 membres de plus et regroupent 27 dépanneurs, une augmentation spectaculaire de 60 % du réseau!

Gérard Perron, ami et ex-marchand Super Sagamie qui travaille néanmoins encore au sein du groupe, dit de lui qu’il est un fin négociateur et qu’il n’accepte pas de perdre. « Il nous a surpris plus d’une fois lors de négociations, ça je peux vous le dire! », de lancer ce dernier avec un grand sourire.

Fort de cette base plus musclée, le regroupement renforce son pouvoir de négociation. Et pour réduire les coûts, Jacques fait adopter une politique de prix uniforme permettant l’implantation d’une base de données commune qui réduit le temps consacré à l’ajustement des prix.

Peu après, en 2007, la bannière se dote d’un système de caisse informatisée. Trois dépanneurs volontaires testent le tout nouveau système. L’expérience s’avérant concluante, tous les autres détaillants embarquent et jouissent ainsi d’avantages substantiels :

  • Économie de temps pour les propriétaires: plus besoin de passer des heures à effectuer des changements de prix;
  • Économie monétaire: politique de prix uniforme pour tous, basée sur l’écoute des marchands;
  • Plus de précision sur marges bénéficiaires de l’ordre de 1,5 % à 8 %

Selon un propriétaire, un tel dynamisme est typique de Falardeau : « Il a de bonnes idées.  Il n’hésite pas, comme s’il n’avait peur de rien. En fait, il a un vrai « front de bœuf», de lancer Richard Guénard, propriétaire du Super Sagamie chez Ricky. « Son leadership apporte des résultats à nos dépanneurs, et c’est ce qu’on s’attend et ce qu’on apprécie de lui ».

Avec le temps, le regroupement a su imposer des changements de politique aux fournisseurs basés sur l’expérience des marchands. Par exemple, Super Sagamie en a fortement incité plusieurs à modifier certains prix de vente pour générer des ventes secondaires comme une boisson gazeuse ou un sac de croustilles. Les dépanneurs se distinguent également par la qualité de leur service à la clientèle et la propreté des commerces.

Le Groupe Saga est l’une des rares bannières à avoir lancé sa propre fondation, soit la Fondation des dépanneurs Sagamie, qui a pour mission d’offrir une assistance financière aux familles dont un ou des enfants requiert des soins médicaux importants. On voit ici Yannick Simard, directeur général de l’Ami auto crédit, remettre un chèque de 3 900 $ à Jacques Falardeau pour la Fondation.
Les outils mais surtout, les humains

Aujourd’hui, la bannière Super Sagamie regroupe près de 70 marchands dépanneurs répartis à travers le Québec dont le tiers est à l’extérieur de la région du Saguenay-Lac-St-Jean.

Mais au-delà des marges accrues et des opérations plus efficaces gracieuseté de Falardeau, il demeure que la gestion réussie d’une bannière dépend essentiellement de la prestation quotidienne de chacun de ses détaillants : l’engagement, la discipline, la motivation et le flair sont des ingrédients de premier plan pour mieux adapter l’offre aux attentes de la clientèle et faire sonner le tiroir caisse.

Jacques Falardeau estime ainsi que la réelle distinction de Sagamie consiste à savoir mieux canaliser ces précieuses ressources humaines que ne pourrait le faire une grande chaîne impersonnelle, par exemple, en privilégiant l’écoute auprès des marchands et la concertation entre les membres. Et à ce titre, Falardeau est passé maître dans l’art délicat de diriger tout en engageant chacun de ses propriétaires et en les respectant.

« La prise de décision chez Sagamie est basée sur la consultation des propriétaires, du bas vers le haut et non l’inverse. Chez nous, le marchand est souverain », affirme d’entrée de jeu Falardeau.

Le fait de se sentir appartenir à une famille et d’y contribuer à sa juste valeur est aussi un puissant incitatif à vouloir demeurer au sein du groupe.

« Le connaissant depuis 20 ans, je dirais que Jacques n’est pas toujours facile d’approche à prime abord, mais quand on le connait, on s’y attache car c’est vraiment un bon gars », de souligner son ami et marchand Super Sagamie, Jean-Pierre Goderre. « On ne souhaite pas le perdre! C’est un leader qui cherche le consensus, qui consulte toujours les marchands. »

Pas mal pour quelqu’un qui a tant de caractère!  

Une fierté québécoise

Fleuron de l’industrie des dépanneurs au Québec, Super Sagamie est une source de grande fierté pour ses dépanneurs membres. Le modèle d’affaires profite à tous et permet de maximiser le rendement tout en demeurant 100% indépendant.

Jacques Falardeau a prouvé qu’il n’est nul besoin d’avoir 500 dépanneurs pour se doter d’un pouvoir de négociation concurrentiel et des outils compétitifs : de fait, à ses yeux, « Sagamie représente le meilleur outil pour les indépendants au Québec qui veulent le rester ».

De sorte que ce nom intrigant au 10e rang du palmarès DepQuébec risque de le rester encore longtemps…

 

La bannière Super Sagamie cohabite avec d’autres bannières soeurs, comme Sagamie et Marché Sagamie.
SUPER SAGAMIE EN BREF :

 

Satisfaction des marchands : 95 %

 

Avantages d’être affilié :

  • L’éventail de 45 à 50 fournisseurs autorisés : un « listing » qui offre tous les produits vendus dans les dépanneurs : chaque marchand peut choisir ses produits mais pas les fournisseurs : ce n’est pas un buffet ouvert, insiste, le directeur général du Groupe SAGA. La force est de pouvoir choisir le nombre de fournisseur et d’établir un roulement efficace des produits sur les tablettes. Super Sagamie développe de bons partenariats profitables pour les deux parties.
  • Une fixation honnête des prix et leurs propres stratégies de prix la force de négocier pour un groupe avec les fournisseurs est primordiale car elle influence la stratégie des prix des produits. Alors, que les dépanneurs ont des frais fixes élevés, que les fournisseurs n’augmentent pas la marge de profit au client, il faut contrôler son prix afin d’augmenter ses marges de profit et son volume des ventes.
  • Système informatisé et centralisé de caisses.
  • Gestion centralisée des prix : économie de temps et d’argent pour les marchands.
  • Politique de promotion commune sans frais supplémentaire.
  • Information précise sur les prix, profits, les ventes, des informations telles des études.
  • Service de facturation.

 

Défis :

Le commerce au détail étant en constante évolution, Le Groupe SAGA entrevoit plusieurs défis afin de poursuivre son chemin;

  • Continuer à intéresser plus de dépanneurs à joindre son regroupement.
  • Limiter le nombre interminable de réglementations appliquées aux commerces tels les frais de carte, la loi sur le tabac, pour ne citer que ceux-ci.
  • Demeurer branché sur les tendances du commerce au détail : on commence à voir des commerces entièrement informatisés qui ont aucun employé et dont les transactions sont effectuées à l’aide du téléphone intelligent.

 

Forces qui se dégagent du modèle Super Sagamie :

  • Meilleure profitabilité;
  • Pouvoir de négociation avec les fournisseurs;
  • Une structure établie ascendante où le marchand est souverrain;
  • Dynamique de groupe: l’échange entre les marchands et liens d’amitié qui se tissent pour partager leur quotidien. Souvent ils règlent leurs problèmes entre eux;
  • Saines habitudes de gestion;
  • S’adapter à la technologie;
  • Impact dans le marché du dépanneur face aux gros fournisseurs.

 

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