Volet 4 – Une catégorie de plus en plus fragile et de moins en moins payante

Cela fait cinq ans cette année que Loto-Québec vend de la loterie en ligne, une décision qui a suscité, au départ, un grand vent d’inquiétude chez les détaillants.
Cinq ans plus tard, qu’en est-il? Dans le cadre de notre DOSSIER SPÉCIAL LOTO-QUÉBEC, CINQ ANS DE LOTERIE EN LIGNE, DepQuébec se penche toute la semaine sur le phénomène dans le but d’en comprendre les ramifications et de dresser un bilan.
Aujourd’hui, le 4e et dernier volet porte sur l’évolution de la loterie en général et ses perspectives d’affaires pour les prochaines années.

Si pour les joueurs et consommateurs, la loterie est essentiellement un jeu de chance et de hasard, pour les détaillants, c’est d’abord et avant tout une catégorie de produits sur laquelle baser une partie de leur rentabilité et de la viabilité de leur commerce.

Or celle-ci, malheureusement, s’avère de plus en plus fragile et incertaine.

Pour clore notre série soulignant le 5e anniversaire de la vente de loterie en ligne par Loto-Québec, nous passons en revue les faits saillants de cette catégorie et ses tendances d’affaires depuis les 10 dernières années.

Un peu d’histoire

Parlant d’anniversaire, Loto-Québec aura déjà bientôt 50 ans. En effet, c’est en 1969 que la Société d’exploitation des loteries et courses du Québec (Loto-Québec) a été fondée, soit la la première société de loteries à être créée au Canada. Le 14 mars 1970, Loto-Québec effectue son premier tirage (Inter-Loto à 2$). En 1978, elle se munit d’ordinateurs et de terminaux afin d’exploiter la loterie en temps réel (pseudo-active). Depuis le 27 août 2012, Loto-Québec offre en outre la possibilité d’acheter de la loterie en ligne à partir d’un ordinateur ou à l’aide d’une application mobile. Plus spécifiquement,  Loto-Québec offre plusieurs types de produits de loterie dont : la loterie instantanée, la loterie traditionnelle, la loterie en temps réel (pseudo-active),  le pari sportif et le pari basé sur le divertissement. L’offre de jeux de hasard constitue, au Québec, un monopole d’état. À cet effet, la loterie origine obligatoirement de Loto-Québec et  relève directement du ministère des Finances du gouvernement du Québec.

Quelques chiffres

Voici quelques chiffres au terme de l’exercice financier 2016-2017 :

  • Les ventes consolidées de Loto-Québec ont atteint 3,636 milliard $;
  • Le bénéfice brut consolidé de la société affichait 2,236 milliard $ et les bénéfices nets consolidés étaient de l’ordre de 1,231 milliard $;
  • La contribution de Loto-Québec, sous forme de dividendes versés au gouvernement du Québec, s’établit à 1,206 milliard $;
  • À lui seul, le secteur de la loterie enregistre des ventes totales de 1,828 milliard $, soit 50,3% des ventes consolidées, mais seulement 38 % des revenus nets.
  • Plus de 128,298 million $ ont été versés en commissions à 8 479 détaillants, soit 15 131 $ en moyenne.
  • De façon plus spécifique, le barème des commissions versées aux détaillants correspond à 6% des ventes des billets générés par l’entremise du terminal, à 8% des ventes de billets imprimés et des billets de loteries instantanées, à 10% des ventes de billets de tirages spéciaux, 3,5% pour l’Argent Web et, finalement, au versement d’une prime de 1% sur les billets vendus et gagnants de lots de 1 000 dollars et plus.
  • Cette prime de 1% sur les gros lots qui est versée aux détaillants est considérée depuis le 1er janvier 2014 comme un revenu d’entreprise imposable et fait donc désormais l’objet des déductions d’usage.
  • L’exercice 2016-2017 a été marqué par un nombre record de lots remportés de 1 million de dollars ou plus, soit 104 lots permettant ainsi à 122 personnes de devenir millionnaires. Au total, 987,6 millions $ ont été distribués aux gagnants à la loterie, une augmentation notable par rapport aux 935,8 millions de l’année précédente.
Un déclin généralisé des ventes… momentanément freiné

Contrairement à ce qu’on voit ailleurs au pays, les ventes de loteries au Québec sont en fort déclin depuis 10 ans. Malgré une hausse de population de plus de 9 % et l’inflation de plus de 14 %, les ventes nominales n’ont jamais pu rattraper, voire dépasser, celles atteintes lors du sommet de l’année 2008. Ainsi, si les ventes étaient demeurées constantes (en volume et en valeur) par rapport à 2008, elles seraient de 30 % supérieures à ce qu’elles sont aujourd’hui.

Le fait que de nombreux gros lots — beaucoup plus que d’habitude — ont été gagnés au Québec ces deux dernières années ont permis de gonfler les chiffres de vente de la loterie à tirage et de stopper momentanément l’hémorragie des ventes à laquelle on assiste depuis 10 ans, soit depuis 2008 durant laquelle, en dépit de la crise financière, Loto-Québec a réalisé son record de vente de loteries, soit 1,910 milliard $ de ventes.

Le segment de loteries qui a le plus souffert du déclin est celui des billets de loteries instantanées : cette catégorie est passée de 540 M $ en 2008 à seullement 384 M $ en 2017, soit une diminution de 29%.

Or, malgré le fait que cette diminution touche une catégorie commissionnée à un taux supérieur (8 %) que les loteries à tirage (6%), le taux de commission aux détaillants est resté relativement stable, voire même s’est accru légèrement.

Pour illustrer l’évolution de la rentabilité des loteries, nous avons juxtaposé deux graphiques : à gauche et en orange, les commissions perçues depuis 2008 par les détaillants (en milliers $) et à droite et en bleu, les ventes totales de loteries (en milliers $), avec pour année de référence 2008. On s’aperçoit dès lors que malgré la baisse de volume des loteries instantanées, la commission des détaillants s’est maintenue largement au-dessus du seuil de 2008, contribuant à gonfler les commissions de plusieurs millions $ par année. La moyenne se situe donc présentement autour de 7 % tout inclus.

La loterie demeure certes un produit de masse important mais il est clair qu’au cours des prochaines années, la tendance à l’effritement des ventes, des revenus et de la profitabilité pour les détaillants devrait se poursuivre en raison notamment des facteurs suivants :

  • le déclin généralisé des ventes malgré la hausse de la population, surtout des loteries instantanées;
  • le transfert des ventes en magasin aux ventes en ligne qui risque de se produire et dont les commissions sont beaucoup moins élevées, sinon nulles;
  • le fardeau accru de la gestion des loteries qui sera demandé aux détaillants (administration, gestion aux caisses, etc.);
  • la philosophie d’affaires de Loto-Québec qui, comme le démontre ses agissements dans le dossier des ventes en ligne, n’entend pas céder un pouce aux détaillants, voire même reprendre du terrain perdu s’il le faut.

La seule chose qui semble pouvoir freiner cette tendance à la baisse continue est le tirage de très gros lots (ex : 60 millions $) et le fait qu’ils soient gagnés ici, une question de hasard.

Mais à un moment donné, ce sera éventuellement aux détaillants de faire pression sur le gouvernement afin de trouver des solutions pour aider le commerce de proximité à compenser ces pertes de revenus. Par ses nombreuses interventions non coordonnées et politiques diverses (tabac, alcool, salaire minimum, frais et réglementation), il est en train de littéralement étouffer l’industrie des dépanneurs au Québec.

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